Cette opération peut être divisée en 6 périodes principales qui comprennent: 1˚ La mouture du malt; 2° le démêlage et le brassage proprement dit; 3° la décoction du houblon; 4° le refroidissement; 5 ° la fermentation; 6° la clarification ou collage.
De la mouture du malt.
Le broyage du malt ayant pour but de le concasser seulement, les meules du moulin doivent être plus écartées que pour la réduction des grains en farine; il faut donc soulever un peu l’anille.
On doit laisser préalablement au malt récemment préparé le temps d’absorber un peu d’humidité de l’air, environ 4 centièmes de son poids. Le grain que l’on porterait trop sec au moulin produirait beaucoup de folle farine, dont il se perdrait une plus forte proportion, et qui d’ailleurs s’opposerait à l’infiltration de l’eau dans la 1re trempe.
Lorsque le grain n’a pas absorbé spontanément cette quantité d’eau, on y supplée ainsi : on l’étend en une couche de 6 po. d’épaisseur environ, sur laquelle on verse, à l’aide d’un arrosoir à large tête et à trous multipliés, une pluie fine; on le retourne de façon à mélanger le mieux possible les parties humectées et celles qui n’ont pas été atteintes par l’eau; on le relève en tas, et au bout de 3 heures il est prêt à passer au moulin.
La mouture fine est préférable lorsqu’on se propose d’appliquer le malt à la saccharification de la fécule ou de la farine de grains crus, ainsi que nous le verrons en traitant de la fécule et de la diastase.
Du démêlage et du brassage
De cette dernière opération paraissent être dérivés les mots brasseur, brasserie, braser, brassin, etc., et elle fut ainsi nommée parce qu’elle se faisait à force de bras, comme cela se pratique encore en France, en Belgique, en Allemagne, en Russie, et dans quelques autres contrées.
En Angleterre, où la fabrication de la bière est plus importante que dans tout autre pays à superficie égale, la force motrice, appliquée dans toutes les opérations d’une brasserie, est produite par une machine à vapeur. Pour le démêlage (mashing) cette machine communique un mouvement de rotation à un axe vertical A (fig. 259), implanté au milieu d’une cuve couverte; cet axe est armé de 4 bras B, qui eux-mêmes sont garnis chacun de 10 à 12 crochets en fer. Tout le malt est ainsi mis en mouvement dans une quantité suffisante d’eau pour former une bouillie claire.
Chez nous on nomme cuve-matière le vase dans lequel on opère le démêlage; c’est une cuve (fig. 259) légèrement conique, posée sur la grande base et d’environ 1 mètre 70 centimètres de profondeur. À 11 ou 12 centimètres du fond est un faux fond en bois G, percé de trous, soutenu à cette hauteur par un cercle en plusieurs parties larges (semblables à celles des jantes de roues), et qui permettent de laisser un pouce de jeu entre les douves et le faux fond pour les dilatations et retraits de ce bois, afin que son gonflement ne puisse opérer l’écartement des douves. Trois ou quatre tasseaux chevillés au-dessus du faux fond l’empêchent de remonter et de se déplacer. Pour éviter que les trous du faux fond ne s’engorgent facilement, on les fait coniques, le grand diamètre tourné vers le bas. Un couvercle en bois D, formé de planches doubles croisées et solidement barrées, peut à volonté être posé sur la cuve et doit la fermer le mieux possible.
On jette d’abord le malt moulu dans la cuve-matière ; on introduit ensuite de l’eau chaude à 60˚C environ sous le faux fond par le tube E; l ‘eau soulève le malt, que l’on s’occupe vivement à plonger dans l’eau à l’aide de fourquets en fer (fig. 260). On laisse le malt se pénétrer d’eau pendant une demi-heure; alors on découvre la cuve, on introduit également sous le faux fond de l’eau à 90°C, et l’on procède au vaguage, en brassant fortement le mélange ou fardeau avec des vagues (fig. 261) portant 3 ou 4 traverses doubles en bois, afin qu’ils puissent enfoncer et soulever le grain.
Le mélange doit alors être échauffé à 70°. C’est entre ces limites (comme on l’expliquera dans l’article fécule et diastase) que la saccarification de l’amidon du grain peut se compléter et rendre ainsi la farine presque entièrement soluble.
Immédiatement après le vaguage on lave le chant des parois intérieures de la cuve en y projetant quelques écuellées d’eau froide; on saupoudre à la superficie du mélange une couche de fine farine de malt, afin de bien concentrer la chaleur, on referme ensuite la cuve, et l’on enveloppe les joints du couvercle avec des morceaux de drap ou de laine.
On laisse le tout ainsi pendant 3 heures; on ouvre ensuite un robinet F placé entre les 2 fonds; on sépare les 1ères portions troubles que l’on reverse sur le malt; tout ce qui s’écoule ensuite du liquide sucré, dit premiers métiers, se rend dans un réservoir placé sous le robinet, et d’une contenance d’environ 1000 litres, nommé reverdoir: il est porté au fur et à mesure, è l’aide d’une pompe, dans une cuve couverte, dite bac à mout.
On introduit dans la cuve-matière une nouvelle quantité d’eau égale de celle de la 1re trempe, à la température de 80°C environ; on brasse encore fortement. L’allégement du malt et son adhérence aux parois sont des indices d’une bonne macération; on laisse en repos, et l’on soutire au bout de 2 heures de la manière que nous l’avons dit. On porte, à l’aide de la même pompe, ces seconds métiers avec les 1er, et, dès que l’eau pour la dernière trempe est tirée de la chaudière, on y fait couler tout le moût des 2 premiers métiers réunis.
On délaye une troisième fois le mélange en ajoutant de l’eau presque bouillante; on laisse déposer pendant une heure, on soutire, et l’on porte la dissolution claire dans la chaudière à petite bière. Si le malt n’était pas suffisamment épuisé de ses substances solubles, on le lessiverait en l’arrosant avec quelques lotions d’eau bouillante, et laissant le liquide s écouler au fur et à mesure de la filtration par le robinet.
Il ne reste plus dans la cuve-matière que la pellicule ligneuse qui enveloppait le grain, les débris des gemmules, une partie de l’albumine coagulée, et quelques sels insolubles et des matières légères; tout le reste est dissous.
On peut, d’après les nouvelles données décrites à l’article fécule, réduire la quantité de malt, le remplacer par la fécule de pommes de terre ou tout autre farine féculente, et rendre le brassage plus facile, plus simple, et souvent bien plus économique. Voici comment on peut opérer.
Une chaudière (fig. 262), fermée d’un couvercle, laissant près de ses bords 2 ou 3 trous d’hommes A, A, A, et plongée dans une cuve B, laisse entre ses parois et celles de la cuve un intervalle d’environ 3 pouces formant le bain-marie; un tube C de 1 po. de diamètre, se bifurquant entre les 2 fonds, y amène à volonté la vapeur d’un générateur. Un indicateur indique le niveau dans le bain-marie.
Supposons que l’on traite 1,000 kilogrammes de fécule; la double enveloppe B (le bain-marie) étant remplie d’eau à moitié de sa hauteur, et la chaudière A ayant reçu 45 hectol. d’eau et 200 kilog. de bon malt en poudre grossière, on ouvre le robinet F du tuyau C, qui amène la vapeur, et un homme agite avec un rable F (Fig. 263) le liquide de la chaudière.
Un thermomètre centigrade, plongé dans ce liquide, indique la température; dès qu’elle est arrivée à 60˚ au plus, on verse par un des trous A successivement toute la fécule, que l’on main tient en suspension à l’aide de l’agitateur. Lorsque la température, d’abord un peu abaissée, s’est relevée graduellement de 65 à 70°, on l’entretient à ce terme jusqu’à ce que la liquidité soit complète; alors on pousse à 75, puis on fait couler tout le mélange, par une large bonde O, dans une des 2 cuves-matières G,G; celles-ci étant bien couvertes, la température s’y maintient aisément entre 75 et 65 pendant 5 heures. Au bout de ce temps on soutire au clair dans la cuve reverdoire H tout le liquide qui peut filtrer; on le porte de là dans la chaudière. Le marc lavé donne des solutions de plus en plus faibles jusqu’à épuisement. Ces petites eaux servent à détendre à 6˚ le 1er moût qui marque 10 à 11°, ou sont employées directement à 3° pour la fabrication de la petite bière.
Une des améliorations que j’ai introduites en 1816 dans la fabrication de la bière résulte de l’emploi des sirops de miel, de mélasse ou de fécule, clarifiés au charbon animal.
L’usage des sirops clarifiés dans la proportion de 1/4 a 1/5 de la substance amilacée (malt et fécule) est surtout convenable pendant les chaleurs de l’été pour les bières. Il augmente la proportion d’alcool, favorise les dépôts, et l’on parvient ainsi à éviter les résultats fâcheux des fermentations trop actives qui font tourner à l’aigre ou donnent une odeur putride. Cette méthode est encore bonne à suivre toutes les fois que les grains, de mauvaise qualité, imparfaitement maltés ou macérés sans les soins convenables, ont donné des moûts trop faibles; dans ce dernier cas il suffit d’ajouter la quantité de sirop utile pour donner à la solution le degré aréométrique (6 Baumé pour la bière double de Paris et 2 1/2 à 3° pour la petite bière) qu’on aurait obtenu avec de bons grains traités convenablement.
De la cuisson de la bière
Reprenons la fabrication de la bière au moment ou les trempes sont versées dans les chaudières sur le houblon (1), dans la proportion de 37 livres et 1/2 de ce dernier pour 27 septiers de malt, ce qui équivaut à environ 450 grammes par hectolitre, pour la bière ordinaire de Paris, et en obtenant un 2produit en petite bière, qu’on fait couler sur le même houblon; on ajoute encore 14 livres de houblon inférieur en qualité dans le moût destiné à la fabrication de cette bière.
On a soin de faire plonger le houblon avec des rables pendant l’écoulement du moût, et durant même son ébullition, jusqu’à ce qu’il soit bien humecté.
Dès que le moût est versé, on élève à température , et on la soutient près de l’ébullition jusqu’à ce qu’on ait obtenu le moût de la 2e trempe; on ajoute celui-ci au 1er, et l’on porte à l’ébullition en laissant le moins possible la vapeur se dégager, afin d’éviter une trop forte déperdition de l’huile essentielle à laquelle le houblon doit son arôme et sa saveur spéciale.
On pourrait remplacer avec de grands avantages le chauffage direct par celui dit à la vapeur, ou mieux encore par le procédé de circulation appliqué aux lessivages à chaud, qu’on doit à M. BONNEMAIN (tome IV, p. 81).
Il ne faut pas en effet chercher à obtenir des moûts plus forts par leur rapprochement dans la chaudière; car cette coction prolongée décompose une partie de la substance sucrée de l’orge, fait contracter à la décoction un mauvais goût par l’altération de la matière azotée et laisse dissiper dans l’air le principe aromatique du houblon. On voit bien d’ailleurs que toute évaporation peut être rendue inutile, puisqu’on peut toujours proportionner la quantité d’eau à la force de la bière, et obtenir les moûts directement au degré convenable.
La décoction qui doit produire la bière double est opérée, ainsi que nous l’avons dit, après que la température ait été soutenue au degré de l’ébullition pendant 3 heures environ; alors on ouvre un large robinet (de 8 cent.) adapté au fond de la chaudière; le mélange de moût et de houblon est conduit à l’aide de tuyaux en cuivre dans le bac à repos. C’est une caisse de 18 pouces environ de profondeur, servant à laisser déposer les corps légers, et séparée en 2 capacités par un clayonnage en bois qui retient les folioles de houblon; à l’extrémité où le liquide arrive seul se trouve un robinet a décanter.
Ce robinet à décanter, dont on voit la coupe dans la fig. 264, est formé d’un double tube vertical en laiton; le tube intérieur forme la clé, et tourne à laide d’un bout de levier emmanché au haut de sa tête ; des ouvertures d’un pouce de hauteur, disposées en hélice autour de cette sorte de colonne, permettent de faire écouler la nappe supérieure du liquide, éclaircie par le 1er temps de repos. L’ingénieuse disposition ci-dessus est due à M. NICHOLS. Une autre sorte de robinet à décanter consiste dans un bourrelet circulaire, ou flotteur en fer-blanc, sous lequel un cercle en canevas métallique adhérent est attaché à un entonnoir de toile formant soufflet, et terminé par un large tube qui sort sous le bac à repos, où le robinet est adapté. Dès qu’on ouvre celui-ci, le liquide, près de sa superficie, s’introduit par la bande de canevas métallique dans l’entonnoir, qui s’abaisse progressivement avec le flotteur suivant le niveau du moût.
On opère la décantation par l’un des 2 moyens ci-dessus, après une à 2 heures de repos. Le moût est alors à la température de 75 à 70°; il doit être refroidi davantage, et, à cet effet, on le fait écouler dans les bacs refroidissoirs.
Ces larges caisses plates sont construites en planches de sapin du Nord, très épaisses et solidement boulonnées. Avant de se servir de bacs neufs, il faut étançonner avec des pièces de bois leur fond, pour éviter que l’imbibition de l’eau ne les fasse soulever. On doit y passer de l’eau bouillante à plusieurs reprises, afin d’enlever à la surface les principes solubles du bois, qui donneraient un goût particulier à la bière, et de faire produire au bois tout l’effet de gonflement qui peut résulter de l’action de l’humidité et de la chaleur.
Dans l’usage habituel des bacs, il faut avoir le plus grand soin de les laver et de les échauder, de peur que le moût de bière adhérant à leurs parois ne s’y aigrisse ou ne prenne un goût putride qui pourrait occasionner la détérioration d’un brassin versé ultérieurement.
Du refroidissement de la bière
La température du moût doit être abaissée au degré convenable pour la fermentation, et ce degré varie suivant les influences de la température de l’air atmosphérique et en sens inverse. Le moût de bière doit en effet être d’autant plus froid que l’air extérieur est plus chaud, et réciproquement. On conçoit qu’on se propose ainsi de compenser les chances de refroidissement ultérieur dans les cuves fermentation. En général, pendant les temps froids, il faut activer le plus possible la fermentation alcoolique; pendant les chaleurs de l’été on doit au contraire s’efforcer de modérer ses progrès, pour éviter que la bière ne tourne à l’aigre. On peut d’ailleurs diminuer les chances de cette altération en augmentant la dose du houblon; c’est aussi dans ce but qu’il importe d’opérer le refroidissement le plus promptement possible. Les bacs doivent donc être exposés fort à un courant d’air; on l’obtient à l’aide des persiennes qui les entourent ordinairement.
Nouveau système de rafraîchissoirs. De quelque manière que soient disposés les bacs, ils présentent de graves inconvénients, et les soins les plus minutieux ne peuvent quelquefois prévenir l’altération du mout houblonne qui y séjourne trop longtemps dans les chaleurs. Leur construction est d’ailleurs fort dispendieuse, soit par elle-même, soit par la solidité qu’elle nécessite dans toutes les parties de l’étage qui supporte le poids de ces vastes réservoirs et du liquide qu’ils contiennent; enfin toute la chaleur du moût, depuis le degré de 75 à 70° centigrades jusqu’à la température de 15 à 25, utile à la fermentation, est complètement perdue.
Le nouveau réfrigérant de M. NICHOLS, qui agit sur le liquide en couches minces par évaporation et contact indirect, à l’aide d’aspersions et de courants d’eau méthodiquement dirigés, est vu monté de toutes ses pièces dans la fig. 265. La fig. 266 montre la coupe longitudinale de l’extrémité de l’appareil du côté de l’entrée de l’eau servait à rafraîchir ; les fig. 267 et 268 la même coupe longitudinale du milieu de l’appareil au point d’assemblage des diverses parties, et la fig. 269 une dernière coupe longitudinale de l’extrémité du coté de l’entrée de la bière. Les mêmes lettres désignent dans ces figures les mêmes objets. Ce réfrigérant se compose de 3 cylindres concentriques en cuivre étamé, de 40 pieds de long sur un diamètre qui varie de 6 po. à 2 pieds, suivant l’importance de l’établissement. A est un 1 cylindre qui est vide et sert seulement à diminuer par l’espace qu’il occupe l’emploi d’un trop grand volume d’eau. Le second cylindre B, qui enveloppe le précédent, porte des cannelures longitudinales peu profondes; C’est entre ces 2 cylindres que passe l’eau destinée à rafraîchir. Le tube extérieur C entoure le cylindre cannelé B, et c’est l’espace compris entre ces 2 cylindres qui donne passage à une mince couche de bière qui se trouve divisée par les cannelures, et par conséquent, plus apte à recevoir l’effet du liquide réfrigérant. Ce cylindre C est recouvert d’une chemise de toile continuellement mouillée par l’eau, passant par un tube E, perforé de trous comme une pomme d’arrosoir. Afin de forcer l’eau et la bière à échanger leur température, ces 2 liquides marchent dans une direction opposée. L’eau froide entre par le tuyau M, placé à l’extrémité intérieure, et ressort par le tube vertical O, qui la conduit dans les chaudières ou un réservoir, en profitant ainsi de la température de 35 qu’elle a acquise par son contact avec la bière, pour s’en servir à des lavages à l’eau chaude ou à de nouvelles trempes, etc. La bière au contraire entre dans le cylindre C par le tube N, et se rend par l’autre bout en S dans la cuve guilloire, refroidie à 15°, température convenable pour une fermentation calme et régulière. De plus, pour que la direction des liquides ne fût pas constamment uniforme, les cannelures du cylindre B sont disposées de manière à se trouver opposées l’une à l’autre de 2 en 2 pieds, en laissant entre elles de petits intervalles non cannelés où le moût s’accumule et mélange ses couches pour se distribuer ensuite dans de nouvelles cannelures. FF sont des robinets pour vider l’eau ; des tubes qu’on voit près de ces robinets (fig. 266 et 268) servent à établir la communication entre l’air extérieur et le cylindre A, et en retirer l’eau en cas de fuite. Des auges H et K servent à supporter le refrigerant, et a recevoir les eaux d’arrosage du tube E, qu’on évacue par le tube L. P (fig. 265) est le conduit qui alimente d’eau ce tube E; (fig. 268 et 269) des tuyaux d’évacuation de l’air de l’eau ; R un tuyau semblable pour évacuer l’air de la bière ; une grille en toile métallique placée en avant (fig. 269) dans le tube extérieur est destinée à empêcher que le passage de la bière se trouve obstrué. Le réfrigérant tout monté est raccordé au moyen de vis et de collets d’assemblage ; il peut être démonté et nettoyé en une seule journée par 2 ouvriers de la brasserie. Il coûte moins que les bacs, dure plus long-temps, exige moins de réparations, et économise le local. Suivant M. NICHOLS, 1 hectol. et 1/2 d’eau à 10° suffit pour refroidir un hectol. de moût à 15. Quant à l’eau appliquée extérieurement, sa quantité est environ le quart de celle employée à ce refroidissement.
Ces réfrigérants étant placés dans une position inclinée, on fait communiquer la partie haute en N avec le bac à repos ; la bière passe entre les cylindres et transmet promptement, au travers du métal même, sa chaleur à l’eau qui l’enveloppe de toutes parts. En descendant entre les enveloppes le moût perd de plus en plus de sa chaleur, et, arrivé à la partie inférieure du réfrigérant, le liquide est a la température convenable, et coule immédiatement dans la cuve guilloire.
La température du moût au moment d’être mis en levain diffère aussi dans les différentes sortes de bières. Pour les bières fortes et de garde, on veut que la fermentation s’opère lentement ; la température pendant la fermentation doit être plus basse; si l’on se propose de préparer une bière potable au bout de quelques jours, comme la bière de Paris, il faut activer la fermentation, et, à cet effet, que la température des moûts de diverses bières varie pendant les différentes saisons au thermomètre Réaumur. Le tableau suivant indique ces relations.
De la fermentation de la bière
Lorsque le moût de bière est dans la cuve guilloire, on y ajoute la levure (et le caramel, si la décoction n’est pas assez colorée) et l’on agite fortement. Quelque temps après on aperçoit une écume blanchâtre et légère s’élever à la superficie du liquide; on entend pétiller le gaz acide carbonique. La mousse augmente de volume et s’élève quelquefois d’un pied au-dessus du liquide; bientôt elle devient plus épaisse, jaunâtre, semblable à la levure: c’est en effet cette substance elle même qui, sécrétée dans le milieu du liquide en fermentation, est entraînée à la surface par les bulles d’acide carbonique; elle amène diverses matières insolubles qui étaient tenues en suspension dans le moût de bière.
On avait autrefois l’habitude de faire replonger dans le liquide l’écume de levure, et l’on soulevait le dépôt avec un râble ou mouveron, une ou deux fois chaque jour pour activer la fermentation; on appelait cela battre la guilloire mais comme cette opération refroidit le moût, rend la bière trouble et difficile à clarifier, il est préférable de l’éviter en mettant d’abord une plus grande quantité de levure.
Dans la préparation des fortes bières, et surtout pendant les chaleurs, on ajoute une certaine quantité de sel marin au moût en fermentation, afin de prévenir l’altération de la matière animale qui développerait un goût désagréable et ferait aigrir la bière.
On applique avec succès, depuis quelques années, un couvercle garni de nattes en paille sur la cuve gulloire; on enlève à volonté une partie mobile de ce couvercle en bois, avec une corde passant sur une poulie et tirée à l’aide d’un moulinet. Les avantages de cette disposition sont; 1° d’éviter l’altération spontanée, acide ou putride, qui, dans les cuves ouvertes, résulte surtout de l’accès libre de l’air à la superficie de l’écume et laisse un mauvais goût à la bière; 2° de rendre la fermentation plus régulière en maintenant la température plus égale.
Les moûts des différentes espèces de bières exigent des quantités différentes de levure pour leur fermentation suivant la température de l’atmosphère. On emploie communément les proportions suivantes (en poids) de levure pour exciter la fermentation dans la cuve guilloire.
Lorsque la fermentation de la bière est suffisamment avancée dans la cuve guilloire, on la soutire. Cette opération pour les bières légères, n’exige aucun soin; quelquefois on trouble tout le liquide à dessein, afin de ménager une plus forte fermentation pendant le guillage. Quant aux bières fortes, qui présentent des difficultés pour être bien limpides, on les tire au clair avec précaution; on sépare les premières portions et les dernières, qui ordinairement sont troubles, pour les faire déposer et repasser dans une fermentation suivante. Les bières de garde doivent être soutirées dans de grands tonneaux de 4 à 5 hectolitres. On laisse la bonde couverte d’un linge, afin que, pendant le temps que la fermentation dure, le gaz acide carbonique produit puisse se dégager sans pression (4). On remplit de temps à autre le vide occasionné dans les barils par ce dégagement, avec de la bonne bière forte, etc.
Cette opération se pratique dans nos brasseries pour les bières légères que nous nommons bière double et petite bière, de la manière suivante. On soutire tout le liquide fermenté de la cuve guiloire dans des quarts d’une capacité égale à 75 litres; leur bonde est très large (de 7 à 9 centim.), afin qu’elle livre à l’écume qui continue à se former un passage facile. Tous ces petits barils sont rangés côte à côte sur les traverses d’un bâti en bois, à une hauteur telle qu’on puisse aisément passer dessous un baquet de 35 à 40 centimètres de haut. Les bondes de 2 quarts sont inclinées d’un même côté, afin que leur écume, poussée par la fermentation du dedans au-dehors, puisse, en s’écoulant le long de leurs douves, tomber dans le même baquet. Au moyen de cette disposition, 50 baquets suffisent pour 100 quarts.
Aussitôt que la bière est entonnée, une écume volumineuse sort de toutes les bondes; elle coule dans les baquets, où elle se liquéfie promptement. Quelques minutes après, l’écume devient plus épaisse, elle surnage en partie la bière dans les baquets, et se précipite en partie au fond; en inclinant ceux-ci, on en sépare facilement le liquide intermédiaire, avec lequel on remplit les quarts.
La matière épaisse, et d’une apparence semblable à celle de la bouillie, est la levure proprement dite; il s’en produit 5 ou 6 plus qu’il n’en faut, pour ajouter dans le brassin suivant aussi les brasseurs, après en avoir mis une partie en réserve pour la fermentation de leur moût, vendent-ils le reste aux levuriers, après l’avoir lavée et pressée dans des sacs en forte toile.
La fermentation continue à jeter pendant un temps plus ou moins long, suivant l’espèce de bière ou la température extérieure, etc. Pendant cet intervalle on remplit les quarts à plusieurs reprises, afin que le niveau du liquide soit assez près du bord de la bonde pour permettre à la levure de s’écouler au-dehors au fur et à mesure qu’elle vient nager à la surface.
Lorsque la production de la levure diminue d’une manière sensible, c’est un signe auquel on reconnaît que la fermentation approche d’être assez avancée. Enfin, lorsqu’il ne s’en produit presque plus, on redresse tous les quarts, en sorte que la bonde se trouve au point le plus élevée, ce qui permet d’emplir complètement toute leur capacité; on se sert encore pour cela de bière claire précédemment faite. Les quarts restent dans cette situation pendant 10 ou 12 heures; au bout de ce temps il s’est élevé sur la bonde une mousse très légère et volumineuse qui résulte d’un mouvement léger de fermentation; les brasseurs nomment cette mousse le bouquet.
La bière est alors livrable aux consommateurs; on bouche les quarts avec leurs bondons, et on les expédie.
Clarification ou collage de la bière
Toutes les bières destinées à être bues peu de jours après leur fabrication doivent être clarifiées. Les bières fortes, de garde, s’éclaircissent spontanément, parce qu’on peut attendre un temps assez long pour cela, sans qu’elles tournent à l’aigre; mais encore, parmi ces dernières, il s’en trouve qu’il est nécessaire de coller. Cette opération est principalement basée sur l’emploi de la colle de poisson; on la prépare de la manière suivante. D’abord on l’écrase sous le marteau afin de rompre les fibres et de favoriser ainsi l’action de l’eau sur cette substance organisée; on la met tremper dans l’eau fraîche pendant 12 à 24 heures, en renouvelant l’eau plusieurs fois (2 fois en hiver et 6 fois en été); on malaxe ensuite fortement la colle de poisson entre les doigts et dans 10 fois son poids de bière faite ; on passe au travers d’un linge la gelée transparente qui en résulte; on rince le linge dans une petite quantité de bière qu’on verse ensuite dans la première dissolution gélatineuse; on y ajoute un vingtième en volume d’eau de vie commune, ou esprit étendu à 20° et l’on conserve cette préparation en bouteilles, dans la cave, pendant 15 jours en été, ou un mois en hiver, pour s’en servir au besoin.
Lorsqu’on veut opérer la clarification, on mêle cette colle avec une fois son volume de bière ordinaire; on la bat bien, et on la verse dans les barils; on agite fortement pendant une minute la bière qu’ils contiennent à l’aide d’un bâton; celui-ci est fendu en quatre par le bout qui plonge dans le liquide. On laisse ensuite déposer pendant 2 ou 3 jours, au bout desquels on tire en bouteilles. La proportion de colle préparée est de 3 décilitres par quart, ou de 4 décilitres par hectolitre de bière de table; il en faut quelquefois le double de cette quantité pour la bière forte. La clarification que la colle de poisson opère dans la bière n’était pas expliquée avant la théorie que j’en ai donnée et qu’il est utile aux brasseurs de connaître. La bière est mise dans des bouteilles que l’on tient couchées si l’on veut que cette boisson mousse; cet effet tient à ce que le bouchon constamment en contact avec le liquide, reste gonflé et ferme plus hermétiquement; pour éviter la rupture des bouteilles, on les laisse couchées pendant 24 heures seulement, après quoi on les tient debout. On peut conserver la bière forte dans des foudres complètement remplis, et l’y laisser même sur la lie pendant l’hiver; mais dans ce cas il convient de la soutirer à la fin de mars, pour éviter qu’un nouveau mouvement de fermentation, excité par le dépôt de la levure, ne la trouble et n’y détermine le développement de l’acide acétique, qui est bientôt suivi d’un goût putride.
Si l’on veut tirer la bière au tonneau de quelques dimensions qu’il soit, on ne doit pas mettre plus de 8 jours à consommer la totalité. Lorsque la quantité est trop grande, il est nécessaire de la diviser en barils de moindres dimensions complètement remplis, et entamés successivement.
La bière bien préparée se conserve en général d’autant plus longtemps qu’elle est plus forte, c’est-à-dire que la proportion du houblon employée est plus considérable et que l’alcool produit par la fermentation est en plus grande proportion. Cependant on peut préparer une bière légère qui se comserve trs bien en employant avec le moût d’orge une quantité sufisante (2 tiers environ de la matière sucrée) de mélasse ou de sirop de pommes de terre bien dépurés (2). Ces bières bien préparées contiennent très peu de mucilage; mais aussi, leur goût diffère un peu de celui des autres; elles sont moins douces et coulent sans humecter de la meme manière la membrane muqueuse; aussi dit-on qu’elles sont sèches et n’ont pas de bouche.
Il parait que l’usage consacré en Flandre de faire dissoudre par une longue ébullition de pieds de veau dans le moût de bière rend cette boisson plus susceptible de produire une mousse persistante plus onctueuse au palais; on conçoit que ces effets doivent résulter de la solution gélatineuse produite par la peau et les tendons de ces pieds ainsi traités.
- On doit conserver les sacs de houblons dans une chambre bien sèche et bien close; sans cette précaution le houblon aurait bientôt perdu une partie notable de son arôme.
- J’ai envoyé aux colonies des bouteilles de bière préparée par ce procédé; elles y sont parvenues bien conservées